C’est l’histoire d’un artiste qui se présente comme « l’artiste français le plus vendu au monde ». D’un homme qui vend des statues chromées à plus de 10 000 €, qui réunit 800 000 € en quelques semaines avec des NFTs et qui finit condamné, interdit de gérance, exposé dans les journaux pour pratique commerciale trompeuse.
Cet article ne va pas te parler d’arnaque, mais bien de confiance. Sur ce qu’on ressent quand on croit, quand on écoute et qu’on se rend compte, malheureusement, qu’on s’est bien fait avoir.
Car dans cette histoire, ce n’est pas la chute de Vincent Faudemer qui nous intéresse. Mais bien tout ce qu’elle a laissé derrière elle :
Bienvenue dans une société où le storytelling peut valoir plus que l’œuvre. Et où ceux qui savent le maîtriser peuvent créer des empires sur du vent et des paillettes.
Vincent Faudemer s’est construit une image d’exception.
Art, luxe, célébrités, charity business : il aligne les symboles comme on aligne des trophées de chasse. Il parle à la caméra comme s’il était né sous les projecteurs. Il brille. Et quand ce n’est pas suffisant, il chrome.
Tout commence avec Babolex. Un éléphant inspiré de Babar, tombé dans le domaine public. Une madeleine de Proust qu’il transforme en une icône pop et clinquante.
Tel un faux clin d’œil critique, son Babar porte une Rolex, le tout chromé pour un effet clinquant maximal.
Selon France Bleu, Faudemer, originaire de Caen, a rapidement vendu plusieurs dizaines de pièces, certaines tarifées entre 12 000 € et 78 000 €, séduisant des millionaires et des stars à l’international.
Le détournement est double :
Ça pique les yeux, c’est ludique et saturé de codes statuts sociaux : c’est du Jeff Koons à la sauce LinkedIn.
Le positionnement est clair : art pop pour ultra-riches connectés. Et ça marche !
Faudemer enchaîne alors les éditions limitées, les variations de couleurs, les formats XXL. Il s’affiche aux côtés de stars, mentionne des clients prestigieux, réalise (ou insinue) des collaborations.
Les médias lifestyle relayent. Les comptes Instagram et Linkedin s’en donnent à coeur joie. La boucle est lancée : plus ça brille, plus ça passe.
Avec son projet AlienX, il va encore plus loin et promet un univers complet :
C’est flou, ambitieux mais parfaitement marketé. Tellement bien que la communauté web3 s’emballe.
Les ventes explosent.
Mais derrière tout ça ? Rien.
Le jeu n’existe pas. Les lots ne sont pas livrés. Le Discord se vide petit à petit. Et avec le silence, c’est la confiance de centaines de personnes qui s’effondre.
Plus de 200 personnes se sont constituées parties civiles. Le préjudice total, selon Numerama, dépasse les 800 000 €. Fisheye parle d’un projet “abandonné en silence”, sans remboursement, sans transparence, sans excuses.
Dans la galaxie des projets portés ou promus par Vincent Faudemer, Bélouga.io tient une place à part.
Le projet, présenté comme révolutionnaire, visait à « miner du bitcoin en recyclant le méthane des puits de pétrole ». Une promesse doublement séduisante : lucrative et éco-responsable.
Sauf qu’à y regarder de plus près, tout sonne faux. Warning Trading indique que :
▶ le site de Bélouga utilisait des photos issues d’autres plateformes, notamment btcfactory.io, sans crédit ni mention légale claire.
▶ une équipe affichée de neuf personnes, dont certains profils sans nom de famille ou complètement inventés.
▶ un des membres supposés de l’équipe contacté par WarningTrading a même déclaré ne jamais avoir entendu parler du projet.
Tout cela rappelle un mode opératoire bien connu de Faudemer à savoir promettre vite, structurer plus tard (voire jamais), en espérant que l’image suffise à faire rentrer l’argent.
Pire, derrière Bélouga, un nom est cité : Perpetua Investment, un fonds qui aurait été impliqué dans le projet. Problème : selon une autre enquête, Perpetua est accusé d’avoir participé à du blanchiment d’argent sale à travers des montages complexes.
Encore une fois, tout est là : l’histoire est séduisante, l’image soignée, le discours ambitieux.
Mais aucun socle solide derrière tout ça.
Bélouga.io n’a jamais décollé.
Je peux en parler car j’ai moi-même cru en ce projet. Après plus d’un an de bataille par mail, d’enquête, un dossier ouvert à la DGCCRF et une plainte déposée, je continue avec un dossier déposé aux autorités fiscales et financières compétentes (AMF, ACPR), aux services de cybercriminalité via dépôt de plainte officiel et à des diffusions massives dans les médias spécialisés, avec noms et preuves à l’appui.
L’arnaque n’a jamais l’air d’une arnaque. Et c’est bien là le problème.
Car Faudemer n’est pas un inconnu. Il a été condamné en 2011 et 2017 pour des faits similaires.
Et pourtant, tout le monde oublie. Ou fait semblant de ne pas savoir. Comme toujours.
En juin 2024, il est condamné : 40 000 € d’amende, 50 000 € en cryptos confisqués, interdiction de gérer. L’affaire AlienX aurait laissé entre 600 000 et 800 000 € de pertes chez les acheteurs.
Mais le plus grave est ailleurs : c’est le sentiment d’avoir été complice de sa propre désillusion.
Chronologie complète de l’affaire
2011 : Première condamnation pour pratiques commerciales trompeuses
2017 : Nouvelle condamnation pour faits similaires
2021 : Lancement de la collection NFT AlienX (9000 pièces). Promesses d’univers ludique, de tirages au sort avec des cadeaux de luxe (Rolex, Ferrari), de rendements futurs
2022 : Premiers retards, flou artistique sur les engagements, le Discord se vide, disparition de l’équipe
2023 : Premières plaintes collectives. Témoignages de clients floués. Montée en puissance de la couverture médiatique
Juin 2024 : Condamnation judiciaire : 40 000 € d’amende, 50 000 € de cryptomonnaies confisquées, interdiction de gérer une société pendant 15 ans. Entre 600 000 et 800 000 € de préjudices estimés
2024 : WarningTrading publie une synthèse vidéo de Philippe Miller, apportant des éléments sur Beluga.io, la stratégie de bluff systématique, et les liens avec Perpetua Investment
2025 : Vincent Faudemer gagne un procès en diffamation, mais reste poursuivi pour escroquerie dans le dossier AlienX. En parallèle, un litige avec les ayants droit de Babar est ouvert, concernant l’exploitation commerciale des Babolex.
On était six amis à acheter. On voulait se faire plaisir avec une œuvre d’un artiste monté en flèche. On n’a jamais reçu ce qu’on avait commandé. Et personne ne nous répondait.
Jonathan, 38 ans, Caen
Ma statue est arrivée rayée, mal fixée, bancale. Elle a coûté 3 000 €. Le SAV était inexistant. Ils m’ont renvoyé vers un compte Instagram qui ne répondait plus.
J’ai recommandé Faudemer à des clients. Je croyais à son projet NFT. Je me sens complice maintenant. C’est ça le pire.
Ces témoignages ne sont pas isolés. Ils traduisent un mélange complexe de déception, de culpabilité et de silence.
M6, BFM, France Bleue, la presse lifestyle…
Et désormais Danny Khezzar (finaliste de Top Chef 2023) et ArtChrome Studio, un nouveau projet fondé en 2025 avec Vincent Faudemer.
Sur le site artchromestudio.com, on découvre une promesse : réunir « artistes, visionnaires et faiseurs d’avenir » dans une galerie et un studio de création. Le pitch semble familier : chrome, exclusivité, storytelling, luxe.
Et une fois encore, aucune mention des antécédents judiciaires de Faudemer, ni des affaires AlienX ou Bélouga.
Danny Khezzar y est présenté comme « associé artistique » du studio, figure médiatique censée légitimer le projet auprès d’un nouveau public.
On retrouve des codes similaires : esthétisation poussée, site propre et bien réalisé, image lisse et parfaite.
Trop peu de vérifications. Beaucoup de superlatifs. Plusieurs journalistes locaux ont reconnu avoir relayé ses projets sans enquête, séduits par l’image parfaite, les communiqués bien tournés et la promesse d’un “génie pop autodidacte”.
L’ascension de Faudemer s’est donc faite avec la complicité passive, voire même enthousiaste, de médias peu scrupuleux et peu regardant des informations qu’ils relayaient.
Ce qu’il faut retenir (et ne plus jamais oublier)
✔ Ce n’est pas à toi d’avoir honte quand tu t’es fait avoir.
✔ Plus un projet est flou mais bien présenté, plus il mérite d’être vérifié.
✔ Le storytelling peut être une arme. Entre de bonnes mains, il inspire. Entre de mauvaises, il manipule.
✔ Un bon marketing ne prouve rien.
✔ Une condamnation passée est un fait, pas une rumeur.
✔ Et dans le doute : pose des questions, cherche les sources, ne te fie jamais uniquement à un storytelling ni à ce que disent la presse ou les médias.
Chez Epic Fail, je ne parle pas d’échec pour me moquer. Je veux montrer ce que l’échec laisse derrière lui. Et dans le cas Faudemer, ce qu’on voit, c’est un vide de sens, un désastre de confiance et une méfiance accrue pour tous ceux qui veulent créer quelque chose de sincère.
Mais on peut aussi choisir d’en faire quelque chose. À commencer par en parler.
Alors si toi aussi, tu as cru. Si tu t’es déjà senti idiot d’avoir eu foi en un projet qui t’a laissé tomber : Tu n’es pas seul.
Et non, ce n’est pas à toi d’avoir honte.
Une action collective est en train d’être menée : je t’invite à contacter le collectif AVI.
Si tu ne me connais pas encore, je suis directeur artistique en reconversion. Passionné de web3, de storytelling, de créativité et d’art.
J’ai moi-même cru à des promesses trop belles. J’ai vu, de l’intérieur, comment une communication bien pensé pouvait cacher le vide et le manque de vérité.
Je pense qu’on a besoin de parler de ces histoires. Pas pour accuser. Mais pour éviter que d’autres tombent à leur tour, sans pouvoir en parler.
C’est tout le but d’Epic Fail :
▶ un média qui dézoome sur les échecs sociaux, artistiques, entrepreneuriaux.
▶ mais surtout un média qui donne de la place à ceux qui ont vécu un revers, un doute, une claque et qui refusent de se taire.
L’Informé (2024)
“Babar contre les Babolex : les nouveaux ennuis judiciaires de l’artiste Vincent Faudemer”
Explication des conflits juridiques liés au détournement du personnage Babar tombé dans le domaine public.
https://www.linforme.com/medias-culture/article/babar-contre-les-babolex-les-nouveaux-ennuis-judiciaires-de-l-artiste-vincent-faudemer_3015.html
France Bleu Normandie – Caen (2018)
“Caen : le jeune artiste vend ses éléphants de luxe à des stars du monde entier”
https://www.francebleu.fr/infos/insolite/caen-le-jeune-artiste-vend-ses-elephants-de-luxe-a-des-stars-du-monde-entier-1534261465
Numerama (2024)
“Le projet AlienX de Vincent Faudemer et ses promesses envolées”
https://www.numerama.com/pop-culture/1512035-les-promesses-des-nft-de-vincent-faudemer-se-sont-evaporees-dans-la-nature.html
Le Parisien (2024)
“NFT : 800 000 € de préjudices, un artiste condamné pour pratiques commerciales trompeuses”
https://www.leparisien.fr/faits-divers/nft-800000-eur-de-prejudices-un-artiste-condamne-pour-pratiques-commerciales-trompeuses-17-06-2024-36PMHNWCNVGFXMFH7GQLXN4XEM.php
Actu.fr – Caen (2024)
“NFT : les témoignages de victimes d’une arnaque à 800 000 € à Caen”
https://actu.fr/normandie/caen_14118/nft-les-temoignages-de-victimes-d-une-arnaque-a-800-000-eur-a-caen_60416226.html
L’Express (2024)
“NFT, Rolex et Ferrari : la justice sanctionne un projet aux promesses mensongères”
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/nft-rolex-et-ferrari-la-justice-sanctionne-un-projet-aux-promesses-mensongeres-DP5J3TDTVNHCHGJ67NHL7HCO3A/
Warning Trading (2024)
Enquête de Philippe Miller sur Belouga.io et Perpetua Investment
https://www.warning-trading.com/nft-vincent-faudemer-belouga-investissement-crypto-ecologie/
Warning Trading – YouTube (2024)
Vidéo d’analyse de Philippe Miller sur l’affaire Faudemer, AlienX, Belouga.io et Perpetua
https://www.youtube.com/watch?v=EsmeEtnHmrg
· Numerama (2024)
“L’artiste Vincent Faudemer, le Warhol du NFT, accusé d’escroquerie par 200 personnes”
Un article d’enquête approfondi sur les méthodes de Faudemer et les témoignages de victimes.
https://www.numerama.com/politique/1656302-lartiste-vincent-faudemer-le-warhol-du-nft-accuse-descroquerie-par-200-personnes.html
Actu.fr – Thionville (2024)
“Vincent Faudemer gagne un procès, mais l’artiste derrière les Babolex n’en a pas fini avec la justice”
Bien qu’ayant obtenu gain de cause dans un litige, Faudemer reste visé par plusieurs procédures en cours.
https://actu.fr/grand-est/thionville_57672/vincent-faudemer-gagne-un-proces-mais-l-artiste-derriere-les-babolex-n-en-a-pas-fini-avec-la-justice_62765624.html
Fisheye Immersive (2024)
“NFT : l’artiste Vincent Faudemer accusé d’escroquerie”
Mise en lumière des critiques autour de sa collection AlienX et des promesses non tenues.
https://fisheyeimmersive.com/article/nft-lartiste-vincent-faudemer-accuse-descroquerie/
Actu.fr – Caen (2024)
“Vincent Faudemer poursuivi pour escroquerie : Petit Prince ou Pinocchio de l’art contemporain ?”
Une analyse du personnage Faudemer et de son storytelling douteux.
https://actu.fr/normandie/caen_14118/vincent-faudemer-poursuivi-pour-escroquerie-petit-prince-ou-pinocchio-de-l-art-contemporain_61785990.html
Actu.fr – Caen (2024)
“Comment Vincent Faudemer, avec ses Babolex, a berné les journalistes pour assurer son ascension”
Décryptage du jeu médiatique et de la stratégie de visibilité construite autour de l’artiste.
https://actu.fr/normandie/caen_14118/comment-vincent-faudemer-avec-ses-babolex-a-berne-les-journalistes-pour-assurer-son-ascension_61753486.html
ArtChrome Studio (2025)
Site officiel du projet lancé avec Danny Khezzar
https://artchromestudio.com